Les Béguines, un monde de femmes -
MORCEAU D’ARCHITECTURE de la RL NETJER
Les Béguines, un monde de femmes
Les béguines sont les grandes oubliées de l’histoire. Si l’on prononce leur nom, on voit notre interlocuteur nous regarder d’un œil goguenard… faisant une confusion évidente avec gouine. Oups ! Circulez, il n’y a rien à voir.
Alors que cache ce mot ? Un élan religieux chrétien et féminin qui surgit au XIIe siècle en Europe du Nord. Nous sommes au temps des croisades, de la recherche d’absolu avec un regain de spiritualité et de renouvellement social. Les ordres mendiants émergent, comme les Franciscains ou les Dominicains pour les plus importants. Les Cathares et les Vaudois n’allaient pas tarder d’apparaître pour répondre aux inclinaisons du siècle.
Féminin, voyez donc ! À peine ont-elles pointé leur nez, les Béguines soulevèrent un tollé dans le monde des hommes. Leur toute puissance est remise en question et ils montèrent au créneau souvent avec une absurde férocité. Déjà en 1139, plusieurs décrets du deuxième concile du Latran s’élevèrent contre ces femmes vivant sans règle monastique mais se faisant passer pour moniales. Ils tranchèrent pour une obligation de vie selon une règle et l’interdiction de se mêler aux moines.
Alors, ces béguines, d’où viennent-elles ? Elles se développèrent modestement à Liège et dans ses environs. Sous l’impulsion de Marie d’Oignies, une âme happée par la Lumière de la spiritualité, le mouvement pris de l’ampleur.
Marie d’Oignies naquit à Nivelle en Belgique, en 1177, dans une famille bourgeoise. Très tôt, elle afficha sa volonté de se consacrer à Dieu avec une piété et une austérité insolites pour une enfant. Mais la société de l’époque avait ses règles et, à 14 ans, elle dut accepter un mariage arrangé par ses parents. Son mari, Jean, était l’homme qui lui convenait. Un temps, ils vécurent une vie de couple ordinaire, mais très vite Marie rallia son jeune mari à son idéal. Ensemble, ils décidèrent de se consacrer à Dieu en pratiquant la pauvreté et les œuvres de piété. Ils ne firent pas semblant. Ils s’installèrent à la léproserie de Willambroux. La personnalité lumineuse de Marie et sa vie de mortifications attirèrent de nombreux visiteurs avides de conseils sur la vie spirituelle. D’autant que sa spiritualité, son élévation vibratoire permirent la guérison de plusieurs lépreux. Attirés par sa lumière, ses miracles, les gens en nombre, se pressèrent pour rencontrer la thaumaturge. Trop, c’était trop !
Elle décida de se soustraire à cette pression. Avec l’accord de son époux, Marie quitte Willambroux vers 1207 et rejoint une petite communauté religieuse de béguines, fondée à Oignies, près de Charleroi. Sa réputation de sainteté grandit. Les visiteurs venaient de loin pour la consulter. Parmi eux, arriva un jour de 1208 un brillant théologien de Paris, Jacques de Vitry. Il fut subjugué, à tel point, qu’il renonça à sa carrière et s’installa à Oignies. Cet amour inconditionnel, l’Agapê de Platon, fit qu’il devint son disciple, son confesseur, son prédicateur et son protecteur. Bouleversé par cette rencontre, Jacques de Vitry, associait le diocèse de Liège à une terre de saints. Il écrivit à Foulques, évêque de Toulouse : « Lorsque tu es arrivé dans nos régions, tu as l’impression de te trouver dans une sorte de Terre promise ; traversant le désert, tu as trouvé la Terre promise dans le pays de Liège ». Peut-être percevait-il, ce que nous ne percevons pas ?
Marie mourut d’une longue maladie à 36 ans, en 1213. Elle souffrit tant, qu’elle associa son épreuve à la Passion du Christ. Fidèle, Jacques de Vitry demeura à ses côtés jusqu’à la fin. À la demande de Foulques, il écrivit une Vie de Marie d’Oignies.
J’aurais pu faire l’économie de ce récit mais, le prestige spirituel de cette femme donna une impulsion décisive au mouvement des Béguines, qui n’a pas de fondatrice identifiée. En fait, il répondait aux besoins de l’époque et se répandit en Rhénanie, aux Pays-Bas, en Alsace, en Italie et en France.
Des femmes d’origines les plus diverses cherchant à survivre dans une époque tourmentée rejoignaient les Béguines, qui auraient reçu leur première règle du chanoine Lambert Begh ou Le Bègue contempteur des mœurs, des pratiques divinatoires et des pompes du clergé. Il fut tout de même accusé d’être un « meneur de secte ». C’était dans l’air du temps. Il mourut en 1177. On émet l’hypothèse que son patronyme ait inspiré celui de la communauté. Une autre version étymologique propose un dérivé du néerlandais beggen « bavarder », « réciter, psalmodier des prières ». Le mot bégard, du néerlandais begaert, désignait un « membre d’une communauté religieuse qui ne prononçait pas de vœux ». D’ailleurs, vers 1225 le mot bègue, apparait, dérivé de beguer « bégayer ». Voilà pour la linguistique.
Dans cette époque marquée au sceau des croisades, avec la mort de leur maris et de leurs fils partis en Terre Sainte pour la défense de la chrétienté, les épouses se trouvaient abandonnées et démunies. En surpopulation, pour survivre, les femmes entraient dans la vie religieuse. Les couvents étaient pleins à craquer. Devant le phénomène, un numerus clausus fut fixé par le concile du Latran de 1215. Ces quotas réduisaient leurs chances de se mettre à l’abri et de rester dignes. Résultat, d’autres formes de vie religieuse prirent de l’ampleur. Au grand dam de l’église. Elles furent rapidement dénoncées par l’inquisiteur Conrad de Marbourg au concile de Mayence de 1233.
Bien sûr toutes les béguines n’étaient pas veuves, certaines, éprises d’indépendance, refusaient de choisir entre le mariage et le couvent, seules perspectives qui s’offraient à elles à cette époque. Pour la première fois, dégagées de l’emprise des hommes, elles pouvaient exister socialement et s’affirmer. S’agissait-il du premier mouvement féministe ? L’était-il vraiment ?
Difficile de répondre clairement à cette question. Le concept de féminisme n’était pas dans l’air du XIIe ou XIIIe siècle. La société béguinale couvrait un ensemble d’expériences et de formes de vie religieuses très diversifié, dont l’élément unificateur était le caractère laïc. On peut considérer qu’elles furent les premières « religieuses dans le monde » à ne pas avoir prononcé de vœu d’appartenance à un ordre religieux. Ce qui leur conférait une liberté dont ne disposaient pas les moniales cloîtrées. Il fut cependant un véritable courant spirituel qui traversa le christianisme européen.
Financièrement et juridiquement indépendantes, vivant dans une sorte de démocratie avant l’heure, elles manifestaient une nouvelle manière d’exprimer leur foi. « Il n’y a pas de mère supérieure, juste une « Grande Dame » élue pour quelques années. De même, chaque béguinage édicte ses propres règles, toujours modifiables ».
Les béguines voyaient le travail, comme un moyen d’émancipation économique : blanchissage des draps, lavage de la laine, travail à la ferme, fabrication des bougies…
Elles possédaient parfois leurs propres ateliers de tissage, de poterie et de copie de livres. Le dévouement aux pauvres et aux malades était exigé, beaucoup s’engageaient au service des hôpitaux. C’est ainsi que les béguinages acquirent un véritable savoir-faire médical.
Leurs modes de vie attiraient des femmes riches et cultivées. Astucieuses, ces dernières faisaient administrer leurs biens, et distribuaient en aumônes leurs revenus. Les plus instruites se tournaient vers l’enseignement. Beaucoup d’entre elles s’adonnaient à l’art sous toutes ses formes.
Elles ne portaient pas à proprement parler d’uniforme mais pour la plupart, elles revêtaient, une vaste robe blanche, symbole de pureté, qui dissimulait leur corps accompagnée d’une coiffe le béguin, à l’origine de l’expression : « avoir le béguin ».
Dans les béguinages, la communauté était regroupée en petites maisons, réparties sur une ou deux rangées et reliées par des coursives. Au centre il y avait une cour avec un jardin et une chapelle. Le terrain était clos de mur pour assurer une sécurité et une relative solitude à ces femmes vouées au service de leur contemporains.
La plupart des béguines vivaient seules dans leur pavillon, où elles prenaient leur repas. Les plus pauvres rejoignaient la maison communautaire.
Au XIIIe siècle, la Belgique, qui faisait alors partie du Saint Empire Germanique, comptait environ 90 béguinages, dont 20 pour la seule ville de Liège. Au début du XIVe siècle, dans les territoires appelés aujourd’hui « Europe », il y avait jusqu’à 200 000 Béguards et Béguines. Volontairement, je ne parle pas des Bégards. D’une part, ils étaient peu nombreux et d’autre part, ils furent très vite absorbés par les Franciscain pour ne pas faire désordre dans le paysage chrétien.
En France, à Paris, les archives font mention de l’existence des Béguines dans le Marais. Leur réputation était parvenue à la cour de France. Louis IX, Saint Louis, roi dévot amateur de gargouilles et de bénitiers, spécialiste de la douleur salutaire et des épreuves corporelles se passionna pour les béguines et rendit visite à Douceline de Digne.
Qui était Douceline ? Une jeune femme, qui avec son frère Hugues, moine Franciscain, partageaient dans un esprit de vertige la même foi ardente. Ils fascinèrent leurs contemporains avides de mysticisme et de merveilleux.
Vers 1240, une communauté de béguines joachimites (les dames de Roubaud) se créa à l’extérieur de la ville de Hyères autour de Douceline. Cette jeune femme s’imposa les trois vœux en usage dans les ordres monastiques : pauvreté, chasteté et obéissance. Elle s’infligea des pénitences, en posant sur sa chair une peau de porc, vêtement rustique qu’elle ne retirait jamais et qui finit par imprégner son corps. Quand on le lui retira de force, la peau de la mystique fut arrachée. Jugeant l’effort insuffisant, Douceline choisit aussi de porter une ceinture d’épines qui se gravait dans ses entrailles en perçant le flanc. Les vers grouillaient sur elle exacerbant son savoureux martyre. Épreuves et prières la détachaient de son corps et son esprit libre et victorieux volait jusqu’à l’extase, vertige du ravissement. Comme le disait Maître Eckhart : « S’il faut que Dieu entre, la créature doit sortir ».
Le peuple, grand amateur de sainte, se précipitait pour la voir. Sa notoriété arriva aux oreille de Saint Louis qui, à son retour de croisade en 1254, ne manqua pas de faire le voyage jusqu’à Hyères pour la rencontrer. Elle mourut à 34 ans, le 1er septembre 1274. Sa dépouille repose dans l’église marseillaise des Franciscains, à côté de son frère Hugues.
Conquis par les Béguines et leur odeur de sainteté, Louis IX les fit venir à Paris et leur acheta une maison. Leur béguinage était situé à proximité de l’actuelle rue Charlemagne dans le 4e arrondissement et s’adossait au rempart de Philippe Auguste, en face de l’Ile Saint Louis. Dirigée par une « maîtresse », nommée par l’aumônier du roi, cette communauté ne comptait pas moins de 400 béguines. On les appelait alors filles-Dieu,
Dans ce grand béguinage royal, elles profitaient d’un cadre studieux pour lire des textes en grec et latin, ce qui fut considéré comme une atteinte aux bonnes mœurs par la hiérarchie ecclésiastique. De quoi avait ils donc peur ces calotins ? Leurs préjugés les aveuglaient. Ils voyaient ces femmes cultivées, émancipées et compatissantes comme une menace qui refusait de se soumettre à leurs dogmes bigots. Le pouvoir échappait à leurs griffes. Ces sectateurs rétrécis n’y trouvaient pas leur compte et s’indignaient. Pourtant, c’est cette liberté pieuse qui provoqua l’intérêt et l’admiration des esprits plus éclairés.
En embuscade, l’église grinçait des dents. Quoi ! une structure indépendante roulait à son gré dans le flot social, sans se soumettre aux saints usages de notre mère l’église. Avec une hargne grandissante le clergé glosait : « Ces femmes qui cherchent par elles-mêmes la voie du salut inquiète bien des théologiens et l’Église en général, qui n’a pas le contrôle de ce mouvement insaisissable et multiple ».
Les clercs de l’Université, dont Guillaume de Saint-Amour montèrent au créneau. En 1274, lors du concile de Lyon, le moine Guibert de Tournai les critiquait ainsi : « Chez nous, il y a des femmes qu’on nomme béguines. Un certain nombre d’entre elles excellent en arguties et raffolent de nouveautés. Elles lisent la Bible en groupe, sans respect, d’une manière pleine d’audace, et cela en petites assemblées, dans des ateliers et même en pleine rue ».
Bien sûr, elles devinrent suspectes aux yeux de l’inquisition. D’autant qu’un petit vent d’hérésie souffla. Certaines d’entre elles furent sensibles aux idées du Libre-Esprit de Gérard Segarelli, un prédicateur italien, dont les disciples, les fratres et sorores apostolicae vitae, nommés aussi apostoliques, devenaient plus populaires que les Franciscains. Prônant la stricte observation des préceptes évangéliques et la pauvreté absolue, ils menaient une vie de jeûnes et de prières, travaillant ou demandant la charité, sans accorder cependant de valeur à la chasteté. Lors de leurs cérémonie d’acceptation, les candidats se dénudaient publiquement, comme l’avait fait François d’Assise. Mais, le bât blessait à plusieurs endroits, car ils prônaient la désobéissance au pape, la possibilité du prêche ambulant des laïcs et l’imminence de la punition céleste provoquée par la corruption des coutumes ecclésiastiques. Pour toutes ses raisons, en 1300, Gérard Segarelli fut brûlé vif comme hérétique.
La perméabilité des Béguines aux idées du prédicateur fut une l’occasion d’une levée de bouclier vengeresse.
Les ordres religieux se sentaient concurrencés et aussi dépossédés des donations et legs. De plus, la présence de ces femmes imposait une charge accrues aux moines : visites, confessions aux couvents masculins voisins… une mise en péril de leur vœu de chasteté par Eve la tentatrice. Misère et damnation ! Et, pour couronner le tout, dans certains cas, elles utilisaient les mêmes pratiques que les ordres mendiants. Or, le critère autorisant la mendicité reposait sur l’invalidité physique. Les béguines étaient toutes valides, pensez donc !
La gent masculine offusquée en vint à sévir. La corporation des tisserands de Diest mise en danger leur interdisait le tissage. Dans certaines villes, leurs métiers à tisser furent confisqués.
En 1298, la décrétale Periculoso de Boniface VIII en rajouta une couche et étendit aux chartreuses et aux cisterciennes l’obligation de clôture stricte. Punir, emprisonner ce que l’on ne pouvait pas maitriser. Toutefois, Jean XXII, qui lui succéda, protégea les Béguines du Brabant. Leur intégration devint plus choisie et favorisa la venue des femmes de la noblesse et de la grande bourgeoisie. Parmi les plus instruites je peux citer : Sybille de Gages, latiniste renommée, la poétesse Ida de Léau ou encore Mechthild de Magdebourg, auteur du premier ouvrage pieux en langue populaire.
Leur talent et leur dévouement ne les empêchèrent pas d’être non seulement persécutées, soupçonnées d’hérésie et pourquoi pas d’apostasie. Les béguines furent même traitées de sorcières. Au joyeux temps de l’inquisition, certaines d’entre elles finirent sur le bûcher, comme Marguerite Porete (1250-1310), Son ouvrage Miroir des âmes simples anéanties écopa d’un autodafé.
Peu d’éléments de la vie de Marguerite Porete sont connus, hormis son livre et son procès. Son nom la relie à la terre, puisqu’il désigne en ancien français une variété de petit oignon et évoque aussi le poireau. Née vers 1250, elle vécut dans le comté de Hainaut, probablement à Valenciennes. On ne sait rien de sa famille, de son enfance et de ses études. Sa maîtrise conceptuelle et linguistique laisse supposer qu’elle venait d’un milieu aisé. À un moment de sa vie Marguerite Porete devint, Béguine et experte en religion chrétienne, comme l’indiquèrent Les Grandes Chroniques de France pour relater son supplice.
Femme de lettres et de spiritualité, elle exprima son mysticisme dans : Mirouer des simples âmes anéanties. Cet ouvrage allait la conduire au bûcher. Au Moyen Age, coucher des mots sur un volumen, feuillets reliés, pouvait être fatal.
Que contenait-il donc de si terrible ? Tout d’abord, il était écrit par une femme, en ancien français, alors que la langue d’usage était le latin. Il parlait de l’Amour de l’âme touchée par Dieu et faisait dialoguer l’Amour et la Raison. Dans les sept phases de « l’anéantissement » l’âme parcourt le chemin de son unité avec Dieu, jusqu’à un point de fusion qui la dispense des tracas terrestres, comme celui d’obéir aux commandements car la volonté s’anéantit dans celle de Dieu. C’est un chemin de réintégration.
La sève précieuse issue d’une source inaltérable noya sa parole. Ses détracteurs y virent « une démarche qui se passe de l’Église comme institution, qui relativise les sacrements et rejette la morale ».
L’ignorance faisait son œuvre. La condamnation de l’ouvrage fut prononcée par Gui de Colle Medio, évêque de Cambrai (1296-1305). Pour marquer les esprits, il fit brûler un exemplaire du Miroir sur la place d’Armes de Valenciennes, le déclarant « hérétique ».
Baignée dans un absolu dépassant l’humaine volonté, Marguerite le diffusa malgré cette condamnation. Elle résidait alors à Châlons-en-Champagne. Son évêque la dénonça au dominicain Guillaume de Paris, inquisiteur pour le royaume de France.
Une machine crépusculaire se mit en route poussée par une folie aveugle. Arrestation, procès… Ce qui étonne, c’est l’absence de soutien lorsqu’elle fut inquiétée par les autorités ecclésiastiques et civiles.
Une commission de doctes théologiens se prononça sur une liste d’une quinzaine d’extraits présentés par l’inquisiteur, qui demanda aussi à un groupe de canonistes de délibérer sur le comportement de Marguerite, qui devait être jugée relapse, pour avoir ignoré la première condamnation de son ouvrage.
Rassemblant ces expertises sans frémir, Guillaume de Paris, aveuglé par le dogme, prononça dans la foulée la condamnation du livre et de son auteur.
Remise au bras séculier, Marguerite monta sur le bûcher. Peut-être eut-elle un sanglot ! Son âme sentinelle s’éleva avec les flammes pour rejoindre la divine unité tant aimée. Ce 1er juin 1310 en place de Grève à Paris, une étoile s’éteignit dans un ciel de cendre.
Cette exécution ne passa pas inaperçue. Voici ce que rapportèrent Les Grandes Chroniques de France :
« Vers le moulin saint Antoine…, la veille de l’Ascencion de Nostre-Seigneur JC, …, une béguine clergesse qui estoit appellée Marguerite la Porete, qui avoit trespassée et transcendée l’escripture devine, et ès articles de la foy avoit erré ; et du sacrement de l’autel avoit dit paroles contraires et préjudiciables ; et, pour ce, des maistres expers de théologie avoit esté condampnée. »
Diffusé sous le manteau, son livre lui survécut et témoigna de sa dévotion. Voici les propos qu’elle tint à propos de son ouvrage :
Humiliez donc vos sciences
Qui sont sur la Raison fondées
Et mettez toute confiance
En celles qui vous sont données
D’Amour, par Foi enluminées,
Alors vous comprendrez ce livre
Qui d’Amour fait l’Âme vivre.
Ou encore :
Cette leçon n’est pas mise par écrit par une main humaine, mais par le Saint Esprit, qui l’écrit de manière merveilleuse, et l’Âme en est le parchemin précieux ; là se tient l’école divine, à bouche close, que le sens humain ne peut mettre en parole.
Au milieu du xve siècle, un manuscrit de la région d’Orléans en modernisa le texte. Deux pages ont récemment été retrouvées à Valenciennes. Le miroir des âmes simples anéanties influença les thèses de Maître Eckhart et la mystique rhénane. On le croyait oublié, aujourd’hui il est considéré comme l’une des œuvres majeures de la littérature médiévale.
Revenons au Moyen-âge, en octobre 1311, le fameux concile de Vienne, dirigé par le pape Clément V, encore lui, mit tout son poids pour donner un coup d’arrêt à l’expansion du mouvement béguinal. Seules les Béguines des pays flamands, parvinrent à sauvegarder leur mode de vie. Voici les propos rapportés du concile : « Il nous est revenu que certaines femmes que le peuple appelle béguines, prises d’une espèce de folie, discutent de la Sainte Trinité (…). Puisqu’elles ne promettent obéissance à personne, elles ne sont en rien religieuses, c’est pourquoi nous décidons que leur manière de vivre soit pour toujours interdite. » Le concile condamna pêle-mêle sous l’appellation de Bégards : les partisans du Libre-Esprit, les Apostoliques et les Béguines.
Les Tiers ordres des ordres mendiants virent le boulet passer de près mais furent épargnés, je fais référence aux Trinitaires (Ordre de la très sainte trinité et de la rédemption des captifs), fondé en 1193 ; aux Mercédaires (Ordre de la bienheureuse Vierge Marie de la merci pour la rédemption des captifs), fondé en 1218 ; aux Servites (Ordre des serviteurs de Marie), fondé en 1233 et quelques autres.
Pour tenter de survivre, les Béguines rognèrent leur liberté et acceptèrent de se rapprocher de l’Église. « Ici, en 1319, une Bulle papale les autorise à poursuivre l’exercice de leur foi. Dès lors, leurs communautés fonctionnent comme des paroisses ». Difficile d’être indépendant dans un monde où l’ignorance guidait la nef qui sombrait dans la guerre de cent ans.
En France, au XVe siècle, Louis XI sonna le tocsin des Béguines. Elles se fondirent parmi les sœurs du Tiers-Ordre franciscain.
Au xixe siècle, sous le coup de confiscations et d’interdictions, le mouvement béguinal flamand s’essouffla à son tour et disparut.
Laïques et pieuses, ces femmes s’effacèrent dans les brumes du temps en jetant un dernier cri de liberté. Depuis, l’aube est triste, le myosotis se fane et le cygne regarde le ciel à son heure dernière. Mon récit se substitue à leur mémoire et devient un oubli.
J’ai dit VM
Un beau travail qui fait écho à toutes celles qui, d’Hildegard von Bingen à Maria Deraismes, d’Annie Besant à Etty Hillesum, ont apporté leur lumière et leur amour en ce monde.
Amen
Bonjour Honorable Grand Maître
Je m’appelles GBETE EMMANUEL DOUAHI, Je suis âgé de 27 ans, Je exerce le commerce comme un boulot. Ma présence ici Grand Maître est que je voudrais intègre la franc-maçonnerie De la Côte d’Ivoire GLCI. Pour acquérir beaucoup de connaissances avoir un bon compétant. Grand Maître, Je veux avoir une nouvelle connaissance de nouvelles expériences Grand Maître ⚔️