IMBOLC -
MORCEAU D’ARCHITECTURE – RL NETJER – G∴L∴T∴I∴
Parmi les franc-maçons spiritualistes, certains se déclarent alchimistes, kabbalistes, d’autres Rose-Croix ou spirites. Moi, je suis une sorcière, dans son acceptation la plus spirituelle, humaniste et naturaliste.
Lors d’un futur morceau d’architecture, j’aurai l’occasion de m’en expliquer avec vous, à défaut de m’en défendre, l’époque où l’on brûlait les sorcières étant révolue, et ce temple étant plutôt un égrégore bienveillant !
Comme toute sorcière digne de ce nom, et comme toute personne pratiquant les arts sacrés d’une manière générale, qu’elle soit druide, alchimiste ou mage, la sorcière a le devoir de maintenir l’équilibre entre sa propre intériorité et l’Univers.
De même que la nature féminine suit les cycles lunaires, la sorcière s’accorde avec l’inspir et l’expir de la Vie pour être en phase avec la Nature : le rythme des saisons, des soltices et des équinoxes, les cycles célestes, etc.
Sur tous les continents, des générations de prêtres-astrologues se sont penchés sur ces cycles, scrutant la voûte étoilée, et aussi les rythmes de la faune et de la flore sauvages.
De toutes les civilisations qui ont accordé de l’importance à l’intégration harmonieuse de l’être humain dans l’univers, la civilisation celte est celle qui nous est la plus proche, géographiquement et temporellement.
Ce préambule pour vous expliquer pourquoi les sorcières, rattachées aux plus anciens courants de l’histoire se réfèrent aujourd’hui, en Europe occidentale, aux fêtes celtiques qui célèbrent la respiration de notre Terre Mère dans le cosmos.
Vous comprenez maintenant qu’il me tenait à cœur de vous présenter l’origine et la signification de chacune de ces fêtes ou sabbats, au nombre de 8, au moment le plus proche de leur célébration.
C’est ici-même, dans notre ville de Lyon (au musée gallo-romain) qu’est exposé l’unique calendrier soli-lunaire complet de la civilisation gauloise, faisant état de ces 8 sabbats.
Il commence l’année au mois de novembre avec Samhain, l’ancêtre d’Halloween. Samhain constituait mon premier travail de cette série, que j’avais poursuivi avec Beltaine, fête du 1er mai s’intercalant entre l’équinoxe de printemps (Ostara ) et le solstice d’été (Litha ). Litha vous sera présenté lors de notre tenue rituelique de la St Jean d’été.
Ce soir, je souhaite vous faire découvrir Imbolc, à mi-chemin entre le solstice d’hiver (Yule ) et l’équinoxe de printemps (Ostara ) et que l’on fixe traditionnellement au 1er février.
Ce jour est la fête chrétienne de Sainte Brigitte, une des patronnes de l’Irlande qui fonda le couvent de Kildare au VIe siècle. On sait que les fêtes religieuses prennent souvent la place de mythes plus anciens et la légende de Sainte Brigitte ne fait pas exception à la règle. L’emplacement du couvent de Kildare, une ville d’Irlande à l’ouest de Dublin, est un ancien sanctuaire antérieur à l’ère chrétienne.
Le nom de Brigitte trouve son origine dans celui de Brigit, Brigid ou Brigantia, qui signifie en protoceltique « la très haute » ou « la très élevée ».
Brigid est une divinité importante du panthéon celtique. Elle fait partie des Tuatha Dé Danann, la tribu de Dana, Déesse primordiale. Brigid est aussi la fille de Dagda, le « Dieu bon ».
Patronne des druides, des bardes et des vates (« chamans celtes »), Brigid est une déesse triple, symbolisant la Déesse Terre sous ses aspects de vierge, mère et vieille femme. La trinité des trois Brigid est aussi la représentation de ses trois fonctions : guérisseuse, poétesse et forgeronne.
« Selon le mythe, nous précise l’historien et sociologue Carl F. Neal, il y a en réalité 3 sœurs, toutes 3 nommées Brigid. L’une est la déesse du Feu du Foyer, une autre est la déesse du Feu de la Forge, et la troisième est la déesse du Feu de la Création. Les trois Brigid ont été formées ensemble pour produire une déesse triple. »
Associée au Feu, Brigid peut apparaître sous la forme d’une colonne de feu ou de fumée. Elle est maîtresse des métamorphoses et gardienne du Puits de feu sacré qui brûlait sur tous les autels qui lui étaient dédiées.
Carl Neal affirme que « le culte de Brigid s’est révélé tout simplement trop puissant pour que les missionnaires chrétiens le fassent disparaître. »
Brigitte de Kildare, toujours vénérée par l’Église catholique et l’Église orthodoxe a quasi-miraculeusement remplacé la déesse triple, en reprenant presque tous ses attributs. L’hagiographie chrétienne nous relate que Brigitte naquit à l’aube et était fille d’un roi et ancien druide. Elle entretenait au sein de son couvent, sur l’autel de son église, un feu sacré qui brûlait perpétuellement.
Imaginez que ce feu continuera d’être entretenu jusqu’au XVIe siècle, soit presque durant deux millénaires depuis l’élévation du sanctuaire celtique !
En 1993, le feu a été réanimé à Kildare et est depuis entretenu par les « sœurs Brigidines d’Irlande ».
Le folklore irlandais et les légendes de Bretagne vantent aussi les pouvoirs de guérisseuse et les grandes connaissances médicales de Santez Berc’hed, comme son homologue divin celte.
Ces multiples détails attestent de la survivance de Brigid, déesse de l’Aurore, gardienne de la Flamme Éternelle, protectrice de la médecine et maîtresse de la forge.
Brigid, survécut dans la religion romaine sous le nom de Minerve, par syncrétisme avec la déesse grecque Athéna.
Brigid, une des plus importantes déesses du monde celtique procède à toute transformation. Par elle, le minerai brut est transformé en métal, le malade est guéri, et les sons se métamorphosent harmonieusement en mélodie.
La déesse intervient aussi dans le changement qui s’opère chaque année à l’époque des festivités d’Imbolc. Dans notre société contemporaine, l’équinoxe de printemps (Ostara chez les Celtes) marque le commencement du printemps.
Chez les anciens Celtes, c’est le mois d’anagantios ( février ) qui s’ouvre sur le renouveau printanier.
La victoire du Soleil sur les ténèbres était célébré au solstice d’hiver. Mais c’était un soleil timide, à l’aube de sa puissance, encore trop faible pour chasser complètement la nuit et le froid.
C’est à Imbolc que le soleil commençait à retrouver des forces ; évènement que l’on continue à perpétuer allégoriquement le 2 février avec le disque solaire des crèpes de la Chandeleur.
À Imbolc, Brigid ramenait l’espoir car l’on pouvait enfin conduire les troupeaux aux pâturages, préparer la terre dégelée pour qu’elle puisse être un champ fertile aux moments des semailles, et célébrer le miracle de la vie car c’est en cette période que naissaient les petits des brebis.
On savourait alors leur premier lait, qui se consommait fermenté. L’origine étymologique du nom Imbolc vient probablement de cette tradition, issu de l’ancien gaélique d’Irlande « Oimelc », « ewe milk » en anglais, soit lait de brebis.
D’autres études traduisent le terme Imbolc par « lustration ». Cette signification correspond aussi à l’esprit de cette fête qui était un temps de purification par eau lustrale des champs afin de les rendre à nouveau fertiles.
En ce temps de renaissance, la triple déesse Brigid retrouvait sa fécondité perdue durant la saison sombre. De vieille femme, elle se changeait en jeune vierge.
On représentait symboliquement cette métamorphose par la fabrication d’effigies de Brigid sous forme de poupées de paille appelées « brideog ».
Cette tradition s’est perpétuée dans les pays celtes.
En Écosse, les jeunes filles confectionnent les poupées et les présentent de porte en porte en échange d’un cadeau et de la bénédiction de Sainte Brigitte.
En Irlande, les vieilles femmes fabriquent un petit lit pour la poupée, appelé le « lit de Brid ».
Le jour d’Imbolc, la poupée est placée dans le lit avec une baguette de bois à ses côtés comme symbole phallique de fertilité.
L’ensemble est ensuite placé dans le feu pour s’attirer la bénédiction de la sainte ou de la déesse jusqu’à la fête d’Imbolc suivante.
Il est aussi d’usage de confectionner des croix de Brigid en jonc tressé que l’on accroche sur la porte de la maison pour la protection des membres du foyer.
Cette croix est constituée de quatre branches composées de sept brins : 7 x 4, soit 28 brins, ce qui correspond au nombre de jours d’un cycle lunaire.
Imbolc est une fête agraire, en l’honneur de renouveau, temps de purification pour célébrer la fin de l’hiver et la venue du printemps. Elle est rattachée à l’élément Terre, et aussi à l’élément Feu car Brigid est une déesse du Feu.
Or, le Feu a une double nature, symbolisant Imbolc :
– une nature purificatrice, appelant le renouveau printanier
– une nature éclairante, manifestant la lumière grandissante chassant l’hiver.
Ces éléments symboliques au cœur de la fête en l’honneur de Brigid, le 1er février, n’ont jamais disparu et se sont transmis dans d’autres courants, se contentant de changer de forme, comme Brigid, la maîtresse des métamorphoses.
J’ai évoqué tout à l’heure la Chandeleur, ou fête des chandelles, ayant lieu le lendemain d’Imbolc, le 2 février. Dans la religion chrétienne, elle correspond à la présentation de l’enfant Jésus au Temple et sa rencontre avec Syméon qui le proclamera Lumière du monde. Mais c’est aussi une des plus anciennes fêtes mariales, où l’on célèbre la purification de Marie, c’est à dire ses relevailles. Les relevailles consistaient en une cérémonie de purification pour une jeune mère considérée comme souillée par l’accouchement.
Pour les chrétiens, la purification de Marie mère de Dieu permet à cette dernière de retrouver son état virginal. Quel joli clin d’œil à la triple déesse qui, de vieille femme, redevient Vierge au moment d’Imbolc !
Cependant, la Chandeleur est bien plus ancienne que cela. On retrouve sa trace dans les Lupercales de la Rome antique, fête de purification ( encore ! ) en l’honneur de Junon et Faunus.
En ce début de février, on rendait grâce à Iuno Sospita, la déesse Junon dans son aspect de protectrice des femmes sur le point d’accoucher. De même, faisant fi des incohérences chronologiques, les légendes irlandaises rapportent que Sainte Brigitte d’Irlande aurait assisté à l’accouchement de la Vierge Marie.
Faunus est un protecteur des troupeaux à qui il accorde la fertilité, et qu’il protège des loups. C’est d’ailleurs le mot loup, lupus en latin qui a donné le nom des Lupercales. Comme Brigid, il était une divinité agraire capable de rendre des oracles.
Le mois de février, entre solstice d’hiver et équinoxe de printemps lui était dédié, tandis que son grand-père, Saturne, dieu du temps et de la mort présidait le solstice d’hiver.
La mort et la purification étaient aussi les domaines d’une obscure divinité étrusque, Februus, dont le souvenir ne nous est resté que par le mois de février auquel il a donné son nom.
Purification toujours, car pour renaître, il faut se purifier ; et se purifier c’est « creuser un tombeau pour les vices ».
MBT