L’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers -
L’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers
Extrait d’un texte de Robert Amadou
L’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers apparaît au début des années 1760. Il est porté, annoncé, dirigé, par un personnage énigmatique qui s’appelle Martines de Pasqually. D’où vient-il ? On n’en sait rien. Selon la plus grande probabilité, du moins à mon avis, c’était un marrane d’origine espagnole, sa famille étant vraisemblablement originaire d’Alicante et venant peut-être de Majorque. Martines de Pasqually apparaît lui, à la fin des années 1750, dans les milieux maçonniques français et ce n’est donc qu’au début des années 60 qu’il commence à monter ou à démasquer son Ordre des chevaliers maçons Élus coëns de l’univers.
Ordre, est un terme usuel que l’on applique à la haute maçonnerie, si l’on peut dire. « Chevalier » est également un terme très fréquent parmi les titres de hauts grades. Maçon, il faut insister sur le fait qu’il s’agit bien d’un ordre maçonnique selon Martines. Élu coën de l’univers, c’est cela finalement qui est intéressant : Élu veut dire choisi ; coën, veut dire prêtre, on peut dire les « élus cohanim » si l’on veut être pédant, mais l’on dit les Élus coëns. Cet hébreu un peu vacillant est caractéristique de Martines.
Élu coën de l’univers : qu’est-ce que ça signifie ? Je crois qu’on peut, si vous le voulez bien, entrer dans le vif du sujet après ce petit préambule historique. Pour Martines de Pasqually, l’homme a une tâche à remplir dans ce monde, c’est de se réconcilier avec Dieu et de travailler à la réintégration universelle c’est-à-dire au retour de tous les êtres. Réintégration où ? En Dieu qui les a émanés ou qui les a créés. Afin d’opérer cette réconciliation, qui est une sorte de divinisation, comme dans la théurgie des anciens, en particulier des néoplatoniciens, et de franchir du même coup une étape, d’aider le monde à franchir une étape vers la réintégration finale qui correspond à peu près, à ce que des Pères grecs ont appelé l’apocatastase, c’est-à-dire le retour de tout dans l’Un pour faire bref, Martines de Pasqually prescrit des rites théurgiques.
Mais il ne s’agit pas, contrairement à la théurgie antique et même contrairement à la théurgie du moyen âge ou de la Renaissance, il ne s’agit pas ou il ne s’agit plus seulement d’une opération qui travaille avec les anges dans un but personnel ou au profit de quelqu’un d’autre, il s’agit d’accomplir le culte primitif, de célébrer le culte primitif. Et c’est là, je pense, le mot clé. Martines de Pasqually, dans son grand ouvrage, le Traité sur (ou de) la réintégration des êtres, n’emploie pas le mot théurgie. Il l’emploie un peu, de-ci de-là, ailleurs, et c’est vrai qu’il enseigne un culte théurgique, mais il enseigne d’abord un culte, un culte qui est le culte primitif, ce culte primitif qui remonte à Noé et, au-delà ou en deçà de Noé, qui remonte à Adam. Ce culte primitif est donc destiné à accomplir la réconciliation individuelle. Mais cette réconciliation ne sera parfaite pour chaque homme que lorsque le monde entier sera réintégré, étant entendu que la matière réintégrée cela signifie la matière anéantie puisque son principe étant le néant, sa réintégration ne peut se faire que dans le néant c’est-à-dire qu’elle disparaîtra, sauf les formes transmuées.