Morceau d’Architecture de la RL ASET ASTARTE: « Le Roi des Epées » -
Dans le Tarot, le Roi des Epées est similaire au Grand Expert de la Loge. Comme lui il tient son épée de la main droite, pointe en l’air, on dit qu’il la tient en « pal ».
Le Grand Expert doit s’assurer que tout est en ordre dans le Temple et de la bonne exécution du rituel, ça c’est pour le visible. Mais avec son épée, son rôle va bien au-delà. L’épée pointée vers le ciel agit telle une antenne qui capte les énergies et les canalise. Il est ainsi étroitement lié au Vénérable Maître qui porte lui aussi à certains moment son épée en pal mais en main gauche. Nous y reviendrons.
Le Roi des épées est le souverain de l’élément AIR que représente la suite des épées dans le tarot, parallèle à nouveau avec le Grand Expert, maître des énergies de la Loge dans le Temple. Nous y reviendrons aussi.
Mais d’abord faisons un détour historique avant d’observer quelle symbolique porte l’épée, dans le monde terrestre puis dans une dimension un peu plus subtile, céleste.
Histoire
Il faut attendre que les hommes inventent et maîtrisent la métallurgie et en particulier le bronze pour qu’apparaisse l’épée, environ 2.000 ans avant notre ère. Nous connaissons ici particulièrement bien l’ancêtre des forgerons, Tubalcain. C’est la Genèse qui en fait l’ancêtre de tous les forgerons « d’airain et de fer ». La littérature nous a aussi transmis d’autres noms mythiques de forgerons légendaires et notamment trois frères du nom de Galans, Munificans et Hanisars. C’est le second frère qui aurait façonné Durandal et c’est Galans qui aurait forgé Joyeuse.
Joyeuse, la célèbre épée de Charlemagne, a servi au sacre de nombreux rois de France et a été restaurée en 1804 pour le sacre de Napoléon qui cherchait à récupérer des symboles royaux le rattachant à l’histoire de France. C’est aussi pour cela qu’il reprit les fameuses abeilles d’or qui avaient été découvertes dans le tombeau de Childéric en 1653 ; d’ailleurs on retrouva dans son tombeau aussi son épée qui était teintée d’une haute symbolique, puisqu’elle appartenait au 1er roi mérovingien, fils de Mérovée et père de Clovis.
C’est pour les mêmes raisons que déjà LOUIS XIV mit 12 ans pour récupérer ce trésor symbolisant le pouvoir royal de la lignée des rois de France.
Symbolique « terrestre »
L’épée recouvre beaucoup de symboles c’est d’ailleurs un objet ambigu et duel avec ses deux tranchants comme les deux faces d’une même pièce.
Chevalerie
D’abord arme de combat, elle est un symbole fort de la chevalerie. Là aussi elle possède un double sens car c’est elle qui peut aussi bien faire le mal – en tuant- ou au contraire terrasser le mal. Ce sera le cas pour les chevaliers comme pour les saints quand ils auront à combattre les démons, qu’ils soient réels ou allégoriques.
Arme par excellence du chevalier, présente dans la cérémonie d’adoubement, elle possède une part de personnification et d’enchantement et peut porter un nom et suivre son propriétaire jusque dans la tombe.
Parmi les plus célèbres d’entre elles, Excalibur, l’épée magique du roi Arthur qui, dans la légende du Graal, accède au pouvoir lorsqu’il parvient à retirer l’épée scellée dans un rocher.
Durandal, l’épée de Roland, qui à Roncevaux, résiste aux Sarrasins jusqu’à la mort. Ne pouvant briser son épée pour qu’elle ne tombe aux mains de l’ennemi, il l’aurait lancée à travers la vallée pour se planter ensuite dans le rocher de Notre-Dame de Rocamadour qui en porte encore la trace.
Les épées légendaires (Durandal, Excalibur, Joyeuse) sont chargées d’un potentiel thaumaturge ou magique, capables de voler, briser la pierre, ou rendre invincible.
Royauté – Pouvoir
L’épée est symbole de pouvoir royal et l’un des principaux instruments du sacre, ou regalia, après le sceptre et la main de justice. Elle est portée en pal aux côtés du Roi lors du sacre.
Le symbole de l’épée comme pouvoir royal s’est forgé aux confins du Moyen-Age mérovingiens, à la lisière avec l’ancien monde romain. A cette époque, le Roi est d’abord un chef de guerre tout comme les derniers empereurs sortaient des rangs de l’armée romaine.
On pourrait dire aussi que cette France médiévale, fille aînée de l’Eglise, puise des images d’épée et de Rois mythiques dans la bible pour légitimer le pouvoir avec notamment Saül, David et Salomon.
L’épée, fortement ancrée comme symbole, restera une image forte du pouvoir royal. Et si elle accompagne le Roi lors de son sacre, elle peut aussi à l’inverse lui être retirée pour symboliser sa perte de pouvoir.
Ainsi, Louis le Pieux, qui a été le premier roi sacré à Reims, a été contraint lors d’une cérémonie de pénitence qui se tint à l’abbaye Saint-Médard de Soissons en 833 de déposer baudrier et armes, ce qui marqua la fin de son règne.
Justice
Avec ses deux tranchants synonymes d’égalité, l’épée qui tranche est symbole de justice, séparant le bon du mauvais et infligeant le châtiment. L’épée est dans ce cadre régulièrement associée à la balance. Elle est ainsi représentée dans nombre de Traditions jusqu’à nos jours.
Dans la mythologie grecque, Thémis qui représente l’ordre, le droit et la Justice tient une épée dans une main et une balance dans l’autre ; ses yeux sont bandés en signe d’impartialité. La lame de l’épée symbolise aussi la voie juste, la voie du milieu.
Le langage courant retiendra même le célèbre épisode biblique de l’Epée de Salomon où le Roi doit trancher pour départager deux femmes qui se disputent la maternité d’un même enfant. L’une propose de couper l’enfant en deux mais celle qui est réellement la Mère préfère voir son enfant vivre avec une inconnue plutôt que de le voir mourir.
Symbolique « céleste »
Si l’on se place sur un plan plus immatériel et spirituel, l’épée renferme aussi d’autres symboles et devient cette fois l’attribut de personnages légendaires tels des anges ou des saints qui ont soit péri par l’épée, ou se sont eux-mêmes servi d’une épée pour terrasser, qui le mal, qui un ennemi, qui ses propres démons.
L’épée est en effet un symbole de lutte intérieure et le combat devient spirituel.
Ainsi, si nous creusons des tombeaux pour les vices, ce n’est pas forcément avec une pelle et une pioche, qui ne sont en effet pas présent dans le Temple du moins à ce degré mais plutôt avec une épée pour terrasser nos faiblesses et accéder à La connaissance. De nombreuses Traditions l’évoquent ainsi.
On peut observer que l’épée forme une croix, avec son point de jonction, le point central où tout est Un, réconciliation des oppositions, mariage du vertical et de l’horizontal, voie du milieu et axe central.
Cet axe c’est aussi celui de l’Unité. En effet, comme évoqué avec la justice, l’épée représente avec ses deux tranchants la dualité qui se résout dans la lame elle-même symbolisant l’unité.
Cela m’amène à évoquer la Tradition non-duelle.
Les traditions de l’Inde, plus habituée à parler d’Unité qu’en Occident, utilisent l’épée dans leur symbolique. Ainsi, Vishnu est doté d’une épée flamboyante qui symbolise la connaissance cachée par l’ignorance (le fourreau).
Dans le texte sacré de la Bhagavad-Gîtâ, il est écrit : « Celui qui a détruit tout doute par la Connaissance, qui par le Yoga a abandonné toutes les œuvres et qui est en possession du Moi, n’est pas enchaîné par ses œuvres. C’est pourquoi, ayant par l’épée de la Connaissance, tranché ce doute qu’a soulevé ton ignorance et qui loge en ton cœur, aie recours au Yoga, et lève-toi. »
De même, dans le bouddhisme, Manjushri, connu sous le nom de grand bodhisattva, c’est à dire « futur boudha » est un « être éveillé » qui tient une épée symbolisant la connaissance (la pointe de l’épée peut représenter la vacuité).
Revenons vers l’Occident
Dans le Livre sacré ouvert en Loge, la Bible, on peut lire au chapitre 1 « au commencement était le Verbe ». La Bible prend également le symbole de l’épée en l’associant au Verbe. Jésus, qui est l’incarnation du Verbe créateur, dit : » Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. (Matthieu 10, 34) Par ces paroles, Jésus déclare qu’il est venu apporter la vérité. Une vérité pas toujours facile à entendre, souvent rejetée mais Il invite à nous recentrer en nous tenant près de l’épée, axe de la lumière divine.
On retrouve cette épée-Verbe dans l’Apocalypse où l’épée sortant de la bouche du Christ est ainsi ostensiblement associée au Verbe :
« [Jésus] avait dans sa main droite sept étoiles. De sa bouche sortait une épée aiguë, à deux tranchants ; et son visage était comme le soleil lorsqu’il brille dans sa force. » Apocalypse 1, 16
Ajoutons que dans la tradition chrétienne, l’épée qui scintille au soleil est identifiée au « fragment de la croix de lumière », elle est ainsi l’image du feu divin.
Et les anges qui chassent Adam et Eve du paradis sont munis d’épées de feu : « C’est ainsi qu’il chassa Adam et il mit à l’orient du jardin d’Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie. » Genèse 3, 24
Ainsi c’est l’épée flamboyante qui garde l’arbre de vie, l’arbre de la Connaissance, autrement dit le chemin de la vérité, autre vision du point central.
Dans un autre arbre de vie, l’arbre de vie séphirotique de la Kabbale, l’épée de feu est l’énergie créatrice qui circule vers le bas selon un chemin en zigzag.
Saint Michel
Les épées dans la Bible, arme même des chérubins et elles pouvaient être aussi le symbole de saints, qui ont soit péri par l’épée ou se sont eux-mêmes servi d’une épée pour terrasser les démons, comme Saint Michel.
Michel, chef de la milice céleste, est armé d’une épée pour combattre le démon représenté sous la forme d’un dragon. Aidé de ses anges, il y parvient. Il ne tue pas la bête mais il la terrasse et la précipite dans l’abîme.
Symbole de la puissance des forces du bien contre le mal, ce combat doit nous éclairer sur le nôtre. Là où l’on pense souvent qu’il faut tuer notre égo, il s’agirait plutôt de le maîtriser et de le remiser à sa bonne place. Nous serions ainsi comme Michel, victorieux mais aussi psychostase et psychopompe, c’est-à-dire celui qui pèse les âmes lors du Jugement Dernier et les conduits au Paradis, bref, maître de nous-même, équilibré sur notre chemin.
Il me tient à cœur d’évoquer ce que l’on appelle « l’épée de Saint Michel » qui est une ligne parfaitement droite reliant depuis l’Irlande jusqu’en Israël sept sanctuaires dédiés à l’archange.
Selon la légende, cette ligne sacrée représente le coup d’épée qu’il donna au démon. Il est magique de regarder une carte du monde et de constater que ces sept lieux sont parfaitement alignés sur des milliers de kilomètres et que les trois sites les plus importants que sont : le Mont-Saint-Michel, en Italie l’abbaye Saint-Michel–de-la-Cluse et le sanctuaire du Mont-Gargan (Monte Gargano) sont équidistants. La légende raconte que l’évêque Aubert, fit élever l’abbaye du Mont Saint Michel et alla chercher au Monte Gargano les reliques de l’archange pour les ramener sur le Mont-Tombe, devenu le Mont Saint Michel en 709.
Le Tarot
Le Roi des épées, titre de ce travail, fait référence à la lame du Tarot, qui me semble similaire au Grand Expert de la Loge qui tient comme lui son épée en « pal » (pointe en l’air). Si les épées sont l’un des quatre signes des arcanes mineures avec les bâtons, les coupes et les deniers, on trouve très peu l’épée parmi les arcanes majeures, seule la Justice la porte avec la balance.
Si les arcanes majeurs correspondent aux “mystères majeurs”, à notre moi profond, à nos grandes étapes d’évolution, expliquant notre quête, les arcanes mineures, elles, correspondent à des choses plus contextuelles et extérieures sur le monde qui nous entoure. Elles sont ainsi associées aux quatre éléments du monde et de la nature : l’air, la terre, l’eau et le feu.
Le Bâton, symbole de désir – LE FEU
Ce bâton, capable de bourgeonner donc de créer à partir de sa propre force représente donc la puissance créative. Il peut brûler, en dégageant la lumière et la chaleur qui nous vivifient. Il a donc en lui de la vie et du Feu ce qui en fait le symbole de la passion et du désir.
Les Coupes et nos émotions – L’EAU
La Coupe comme récipient correspond à l’eau et du point de vue symbolique correspond à nos émotions, nos sentiments, de l’affect en général.
Les Deniers, ou le concret – LA TERRE
Ils nous parlent de tout ce qui est physique, corporel, matériel (au sens de la matière comme celui de l’argent), du concret.
Enfin Les Epées représentent l’intellect – L’AIR
L’épée qui tranche c’est le symbole du choix issu d’une réflexion et donc symbole de l’intellect, de la raison et de notre mental.
Elles symbolisent aussi ceux qui argumentent, qui défendent et qui gouvernent.
Les épées rassemblent. Union des principes actif et passif, elles symbolisent la lutte pour réaliser l’action. Elles font le lien entre le haut et le bas.
Dans la Loge
Il y a trois porteurs d’épée en loge : le Couvreur, le Grand Expert et le Vénérable Maître.
elles sont particulièrement utilisées à certains moments du rituel. C’est le cas par exemple quand le Vénérable consacre l’impétrant à l’image de la cérémonie de l’adoubement du chevalier. C’est le cas aussi, et cette fois ce sont tous les Maîtres de la Loge qui s’en emparent, lorsqu’un dignitaire entre sous la voûte d’acier.
Dans certains rituels comme au RER, tous les Maîtres portent l’épée.
L’expert est muni de l’épée, qu’il tient levée devant lui à l’ordre, montrant ainsi son rôle de gardien solidement armé. Il est le défenseur de l’Ordre et du Rituel. On peut penser aussi, qu’il agit en duo avec le Vénérable Maître pour la circulation des énergies. Tous deux portent leur épée en pal, pointe vers le haut comme une antenne, mais l’un, le Vénérable, en main gauche en mode donc de réception et l’autre, l’Expert, en main droite c’est-à-dire en émission.
Le vénérable maître porte une épée flamboyante, l’épée de feu, celle-là même qui garde l’arbre de la connaissance, tel les chérubins qui gardent l’espace sacré. Ainsi à l’ouverture des travaux notamment lorsque le vénérable maître brandit son épée il matérialise l’entrée dans un lieu sacré.
Son épée flamboyante est porteuse de la Lumière, dont l’importance sera rappelée lors d’allumage des trois colonnes.
En conclusion je dirai, que les Vénérables Maîtres de nos ateliers, sont pourvus de la plus grande de nos « armes » ou plutôt de nos forces : LA LUMIERE.
Ils portent l’épée de la chevalerie, de la justice et du pouvoir royal.
Ils portent l’Epée flamboyante des chérubins gardiens de l’Arbre de Vie, celle de Vishnu et celle du Christ. Ils sont ainsi la représentation du Grand Architecte et diffusent à l’Orient, pour toute la loge le plus haut symbole de la Connaissance, du Verbe, l’axe de la Conscience et de l’Unité.
J’ai dit.