Réflexions de Papus sur Nicolas Flamel et l’Alchimie -
« …Dans I‘histoire de I‘Alchimie, deux philosophes nous ont paru mériter les honneurs d ‘une monographie, ce sont Paracelse et Nicolas Flamel, le premier à cause de I’importance de son Œuvre, le second à cause du grand nombre de détails que nous avons sur sa vie. Enfin ce sont, peut-être avec Albert-le-Grand, les plus connus de tous les alchimistes. Et, pour ne parler que de Nicolas Flamel, sa célébrité est tellement grande en France qu’il n’y a peut-être pas un intellectuel qui ne connaisse sa légende. Sa maison, qui existait encore à notre siècle, a occupé plus d’une fois les archéologues; les romantiques, amoureux du
moyen-âge, se sont plus d’une fois servi du nom de Flamel ; mais tout ceci n’est rien en comparaison de la renommée de I’illustre adepte aux siècles passés et surtout aux XVIIe et XVIII siècles. Sa maison et ses diverses fondations étaient alors des buts de pèlerinage alchimique. Aucun disciple d’Hermès, français ou étranger, ne serait passé par Paris sans aller visiter la maison de la rue des Ecrivains et les deux arcades, couvertes de symboles, du cimetière des Innocents. C’est un fait, que Flamel fut, après sa mort, considéré surtout en France comme un des plus grands maîtres de l’alchimie ; ses ouvrages furent plus tard fort recherchés, surtout ceux qui n’existaient qu’à l’état de manuscrit ; les copies en furent multipliées surtout aux XVIIe et XVIII siècles, preuve éclatante de la vogue dont Flamel jouissait auprès des hermétistes. Bien plus, cet adepte n ‘est-il pas le type du véritable alchimiste, travaillant sans cesse, jamais
lassé, jamais rebuté, partageant son temps entre la prière, l’étude et le laboratoire ne désirant la science que pour elle-même puis parvenu au but, employant la richesse acquise en de bonnes œuvres, continuant pour lui-même à vivre sobrement. .Quel autre alchimiste pouvait nous offrir une vie aussi bien remplie ?…
» …On n’avait sur Flamel que I’histoire de l‘abbé Villain, riche en documents mais mauvaise, en ce sens, qu’elle est terriblement partiale et que l’auteur s’efforce de démontrer une thèse préconçue : Flamel n’a jamais été alchimiste. Pour nous, au contraire, il s’est occupé d’alchimie mais nous ne prétendons pas imposer notre opinion, nous donnerons nos raisons, et le lecteur jugera en dernier ressort…
» Qu’il nous soit enfin permis de répondre à une objection qui pourrait se présenter : A quoi bon passer son temps à des études inutiles ?
Et d’abord nous répondrons qu’il n’y a pas d ‘études inutiles ; d ‘un livre, si mauvais qu’il soit, disait Lucien, il y a toujours quelque profit à tirer. De même une étude quelconque profite toujours et d’autre part nous ne voyons pas en quoi l’étude de l’alchimie est inutile…
» Quant à ceux qui pontifient : « L’Alchimie ? stupide produit des siècles d’ignorance, à reléguer avec les vieilleries intitulées : Sciences occultes ! », à ceux-là nous conseillerons de se tenir un peu au courant du mouvement scientifique actuel…
- ceux-là, qui nous servent de vieilles objections et qui croient avoir anéanti quelqu’un en l‘accusant d’occultisme nous dirons : l’occulte n’existe pas, le miracle est impossible mais, ce qui existe, c’est notre ignorance actuelle de certaines lois, de certaines forces, ignorance qui nous laisse muets devant nombre de faits ; tout phénomène est digne d ‘étude, tout fait historique bien avéré est digne de foi ; reste, si nous ne pouvons l’expliquer, à, étudier pour lui trouver une solution et, si notre science est forcée de laisser plus d’un fait sans explication, le doute seul nous est permis et non la négation. Il est presque banal de répondre encore que ce qui nous étonne semblera naturel à nos successeurs… La banalité facile de cette réponse ne démontre-t-elle pas que ceux-là font des objections vieillottes, auxquelles il faut opposer pareilles raisons. »
Papus