L’EVANGILE DE NICODEME -
L’EVANGILE DE NICODEME
RL NETJER – G∴L∴T∴I∴
Depuis quelques mois Je fais de nombreuses recherches sur les mouvements gnostiques et sur la littérature abondante et foisonnante qui y était attachée. Ces mouvements étaient nombreux et les livres censés définir ces nouvelles religions étaient aussi nombreux que particuliers. L’un de ceux-ci a particulièrement attiré mon attention. C’est sans doute pas celui qui avait le plus été caché, c’est sans doute pas non plus le plus mystérieux mais il a attiré mon attention car j’ai appris, plus tard, qu’il avait influencé une grande partie de la littérature chrétienne médiévale et que de très grands auteurs s’en servaient de référence. L’idée m’est venue de vous présenter cette œuvre méconnue du grand public mais dont l’attrait était important durant une grande période de notre histoire littéraire.
D’où vient ce livre ?
L’évangile de Nicodème fait partie de toute cette littérature apocryphe qui était lue de manière courante par les premiers chrétiens. Les écrits apocryphes étaient très nombreux. Certains ont été acceptés par l’église, d’autres non. Certains ont été gardés dans le souvenir populaire. D’autres ont été détruits durant le pillage officiel organisé par l’empereur Théodose à partir de l’an 385 de notre ère. Malgré cela, beaucoup d’œuvres ont été conservées notamment en Égypte ou bien dans le secret des bibliothèques des grands monastères du Moyen Orient et ou de l’Europe. Il est probable que la bibliothèque privée du Vatican conserve certaines œuvres censées avoir disparues il y a longtemps mais ne souhaite les ouvrir aux chercheurs ou bien n’a pas répertoriée ces œuvres disparues des mémoires depuis longtemps. Certains manuscrits ont été, tout simplement, découverts à partir du 19ème siècle, puis lors des fouilles des monastères de la péninsule du Sinaï, de Kénoskobion et surtout de Nag Hammadi à partir de 1945.
Aujourd’hui une grande partie connue de ces écrits a été publiée dans de nombreux livres tels que la collection Brépols ou encore la collection des livres de la Pléiade. Ce que l’église avait tenté de supprimer réapparait au grand jour. La Gnose sera un jour connue du Grand public dans son intégralité et comme beaucoup d’autres, les mouvements gnostiques seront réhabilités ; c’est une certitude.
Concernant l’évangile étudié, il n’avait pas été sélectionné pour faire partie du canon du Nouveau testament. Pourtant il ne s’en était fallu que de très peu. Nombreux étaient ses partisans et les communautés chrétiennes étaient nombreuses à s’en servir comme un livre d’enseignement sacré. Pour autant, le livre n’a pas été détruit. Bien au contraire, l’église officielle qui s’était imposée à partir du règne de l’empereur Théodose, à la fin du 4ème siècle, semblait l’apprécier. Elle avait tout fait pour détruire de nombreux livres mais celui-ci avait été préservé. Les arabes le connaissaient. Charlemagne le lisait couramment, les rois et les abbés le possédaient. Le livre était traduit dans toutes les langues de l’Europe et même Catherine de Médicis l’avait comme livre de chevet. Le livre a été définitivement mis à l’écart aux alentours des années 1570, suite aux décisions prises lors du concile de Trente ; Celui qui avait fini par imposer la messe en latin à l’Europe pendant de nombreux siècles. Le livre nous est parvenu grâce aux traductions faites dans les monastères espagnols notamment celui de Montserrat. Pourtant l’exemplaire qui a fasciné pendant longtemps les chercheurs occidentaux était le fameux exemplaire détenu par la bibliothèque impériale de Vienne. C’est le fameux Palimpseste de Vienne. Ce livre est édité sous le nom d’Évangile de Nicodème ; Il est aussi appelé « Évangile de Pilate » ou bien « Actes de Ponce Pilate ». Il était lu et très apprécié par les croyants durant toute cette période antique qui a vu la nouvelle religion apparaître et s’imposer : le christianisme.
Ce livre apparaît et s’impose dès le 4ème siècle. À cette époque, l’empire romain connait de nombreux troubles politiques. De nombreuses religions s’opposent les unes aux autres. Il y a les anciennes religions païennes qui voyaient de nombreuses autres religions s’imposer, une concurrence importante en provenance des religions égyptiennes et orientales. Le Mithraïsme en provenance de Perse tendait à s’imposer. Le Judaïsme était aussi pratiqué par près de 30 % des personnes vivant dans l’empire romain et ce, grâce aux nombreuses conversions qui avaient lieu aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Enfin une nouvelle religion venue elle aussi d’orient : le christianisme tendait à grandir et à s’imposer. Elle était fractionnée en une multitude de religions, de sectes, de groupes spirituels et philosophiques (comme d’ailleurs toutes les autres religions). Ainsi le christianisme officiel, que nous connaissons aujourd’hui, était contesté par le Gnosticisme, lui-même inspiré par la philosophie grecque et la spiritualité égyptienne.
Notoriété et influence du livre
Les Actes de Pilate ont joui dans les premiers temps de l’Église d’une très grande autorité ; St Justin, Tertullien, Eusèbe et bien d’autres écrivains ecclésiastiques s’appuient sur leur témoignage. Ce que ces divers auteurs rapportent comme se trouvant dans ces Actes se rencontre aussi dans la composition connue sous le nom d’Évangile de Nicodème, et qui a deux parties bien distinctes ; la première s’étend jusqu’au seizième chapitre ; elle donne le récit de la condamnation, de la passion, de la sépulture et de la résurrection de Jésus-Christ, récit compilé d’après les Évangélistes, d’après les Actes de Pilate et grossi de quelques fables ; la seconde partie, chapitre 17 à 27, renferme le récit si remarquable des fils de Siméon, Carinus et Leucius, rappelés à la vie et racontant la descente de Jésus-Christ aux enfers et ce qui se passa alors entre les puissances de l’abîme, les patriarches et le Sauveur. Il y a un dialogue avec Elie et Jean -Baptiste.
Cette légende est considérée comme l’œuvre d’un écrivain qui « aurait » pratiqué la religion juive et qui voulait opposer à l’incrédulité des sectateurs de Moïse, le témoignage de témoins ayant connu Jésus; il est probable que cet écrivain vivait au quatrième siècle, mais à cet égard, comme à celui de la langue dont il fit usage, on en est réduit à des conjectures. À l’exception d’un compilateur obscur que cite Léon Allatius, (De libris eccles. Groec. p. 235), les auteurs grecs ne font nulle part mention de l’Évangile de Nicodème ; par contre, nous le voyons de bonne heure apprécié et répandu dans tout l’occident. Grégoire de Tours est le premier qui en ait fait usage ; dans son Histoire des Francs, liv. 1, ch. 21 et 24, il l’analyse en détail. Il nous apprend même qu’il était lu par les rois des Francs et qu’il aurait même incité ces derniers à se convertir à l’arianisme qui était une forme de Christianisme.
Durant tout le Moyen-âge, les auteurs, et pas des moindres, sont inspirés par cet ouvrage. Vincent de Beauvais le cite aussi dans ses œuvres et plus particulièrement dans le Speculus Majus. Jacques de Voragine s’en sert aussi pour rédiger sa célèbre légende dorée. Tous tiennent cet apocryphe en haute estime et s’en servent pour rédiger cet ouvrage qui faisait autorité durant tout le moyen âge. Et une foule d’autres écrivains du moyen-âge, ont mainte et mainte fois recourue à cet écrit dont l’autorité n’était jamais suspecte à leurs yeux. Il est probable que le grand DANTE ALLIEGIRI s’en soit servi pour rédiger sa célèbre légende dorée. Remarquons aussi que la légende telle que la donne la seconde partie de l’Évangile en question, celle qui concerne la traversée des enfers a été connue d’un grand nombre de docteurs de l’une et de l’autre église : la latine comme la grecque. Un auteur grec, Eusèbe d’Alexandrie, dans un discours publié pour la première fois par Augusti, la paraphrase avec énergie ; elle ne renferme guère une seule phrase que l’on ne pût mettre en regard de citations multipliées prises chez maint écrivain des premiers siècles.
Recherche scientifique et bibliographique
À partir du 19ème siècle, l’école de théologie des modernistes allemands a travaillé cet ouvrage. De nombreux livres ont été rédigés en langue allemande, et bon nombre d’entre eux ont été traduits en anglais. Peu de ces livres existent à la compréhension du public français. Un chercheur a cependant passé sa vie à dater cet ouvrage et à en déterminer quels furent les auteurs ou bien l’unique auteur. Il s’agit d’Alfred Maury. Il était célèbre pour être l’ami de Flaubert. Il est à remarquer que le grand écrivain français était un mystique et que certaines de ses œuvres mystiques ont peut-être été inspirées par l’Évangile de Nicodème. Encore aujourd’hui, ses travaux et ses découvertes font autorité et c’est sur son travail que Je me suis en grande partie basé pour cette recherche.
Tout d’abord, quel fut l’auteur de livre oublié ?
Le nom d’Amanias ou plutôt d’Emmaïas que l’auteur se donne parait être le nom grécisé de Heneb.
Cet auteur prétend avoir travaillé d’après un original hébreu, mais ce qui montre qu’il a suivi des écrits latins, c’est qu’il a intercalé, dans sa version grecque, des mots latins qu’il a seulement transcrits en caractères helléniques. Parmi les noms donnés aux prosélytes qui s’annoncent comme Juifs de nation, on trouve des noms latins que jamais n’ont portés des Israélites.
La lecture de ce livre peut être divisée en 3 parties.
En somme, la rédaction de la première partie de l’Évangile de Nicodème ne semble pas remonter bien au-delà du cinquième siècle. L’auteur se présente comme un Juif converti ; s’il dit vrai, il était peu instruit dans sa langue liturgique, et, loin d’avoir travaillé d’après un texte hébreu, il n’a fait qu’une compilation où des détails empruntés à un apocryphe latin, ou du moins à des légendes latines plus anciennes, sont mêlés à des faits racontés dans les Évangiles Canoniques. Cette première partie traite des accusations de sorcellerie, du procès et des atermoiements de Ponce Pilate qui hésite à faire condamner Jésus.
La seconde partie ne paraît point, comme l’ont pensé quelques critiques, une œuvre distincte de la première, avec laquelle une main plus moderne l’aurait raccordé. La ressemblance du style, la liaison des idées, indique un seul et même auteur. « Quant au fond du récit de la descente de Jésus-Christ aux enfers, c’est à dire la troisième partie ; il est évidemment puisé chez les auteurs chrétiens des troisième et quatrième siècles. En parcourant les ouvrages des Pères de cette époque, on retrouve le même langage, les mêmes figures oratoires ; seulement dans le pseudo-évangile le tableau s’est agrandi ; il a pris des proportions plus fortes, et le côté allégorique a fait place à l’interprétation littérale. À l’appui de cette assertion, M. Maury met à côté de divers passages de l’écrit qui nous occupe, de nombreuses Citations empruntées aux écrits de saint Cyrille de Jérusalem, de saint Jean Chrysostome, de Firmicus Maternus, d’Origène, de saint Hippolyte, etc. Il montre que l’idée de presque tous les faits présentés dans la relation des prétendus fils de Siméon sont puisés chez les auteurs ecclésiastiques des troisième, quatrième et cinquième siècles, circonstance qui montre que cette composition est l’œuvre d’un Juif converti, ou du moins d’un chrétien imbu de croyances judaïques qui vivait à peu près de l’an 405 à 410 et qui s’est proposé de combattre indirectement l’opinion d’Apollinaire ; cet évêque de Laodicée, qui à la fin du quatrième siècle, rejeta le dogme de la descente aux enfers, dogme qui contrariait la doctrine qu’Apollinaire exposait au sujet de l’incarnation. Il fut le chef d’une secte qui ne tarda pas à s’éteindre.
De nombreux monuments montrent que l’art chrétien emprunta ses sujets à l’Évangile de Nicodème. Ainsi on retrouve des peintures inspirées par cette œuvre à Ravenne et à st Marc de Venise.
Au Moyen-Âge, de nombreux diptyques se trouvant dans les églises et nombreux monastères représentent le Christ se penchant vers le fond de l’enfer représenté par un monstre marin et en tirant par la main un des Saints qui s’élancent vers lui, ou bien foulant aux pieds le démon et allant délivrer les justes. Ailleurs, il marche sur les portes de l’enfer et délivre divers personnages dans lesquels on peut reconnaître Adam, Ève et le bon larron.
Mais que nous reste-t-il de ce texte ?
Le texte grec se trouve, très défiguré par les transformations des copistes, dans quatre manuscrits conservés à la bibliothèque royale. Il y a deux manuscrits grecs de la bibliothèque de Munich, l’un et l’autre incomplets, mais qui ont fourni de bonnes variantes d’un manuscrit du Vatican, et d’un manuscrit de Venise où nous apprenons qu’à des époques peu éloignées, l’Évangile de Nicodème se lisait dans les églises grecques, non comme faisant partie de l’Écriture-Sainte, mais comme légende édifiante et digne de foi, comme l’œuvre d’un auteur respectable.
Quant au texte latin, il y a un manuscrit fort ancien de la bibliothèque du couvent d’Einseidlin, manuscrit qui paraît antérieur au dixième siècle. Il y a également un grand nombre de manuscrits dispersés à Halle, à Rome, à Copenhague, à Paris ; la bibliothèque royale en contient dix-huit (2)
Une multitude d’autres copies sont éparses dans toutes les grandes bibliothèques ; l’ancien catalogue de la Bodléienne à Oxford en indique treize, mais aucun d’eux n’offre rien de nouveau. Enfin il y a le Palimpseste de Vienne, le plus connu de tous.
Un livre qui influence la littérature médiévale
On le sait peut-être moins, mais c’est à l’Évangile de Nicodème qu’est due l’introduction dans les traditions armoricaines et dans les romans de la Table-Ronde du mythe célèbre du St-Graal, de ce vase sacré dans lequel Joseph d’Arimathie avait recueilli le sang précieux de son maître. Le livre de Robert de Boron est totalement influencé par cet ancien ouvrage. Le roman de l’enchanteur Merlin semble de son côté s’annoncer comme une suite de la seconde partie de l’Évangile dont nous parlons. Il s’agit en fait d’une suite. Un petit peu comme si le livre de l’enchanteur Merlin était une suite apocryphe de l’évangile de Nicodème. Voici le début en prose de cette composition si populaire au moyen-âge. « Lorsque notre seigneur descendit dans les enfers, il a rencontré Adam et Ève et les racheta ainsi que tant d’autres comme il le put. Les démons furent convaincus par de si grands prodiges. Ils vinrent à lui, s’assemblèrent autour et lui dirent qui est aussi bon et aussi grand. Son pouvoir avait fini par les convaincre…et les convertir… Le livre se répandit à travers l’Europe
Dès son début l’imprimerie se hâta de répandre une légende qui avait donné tant d’ouvrage aux copistes. Les bibliographes en ont enregistré trois éditions latines, exécutées en Allemagne avant 1500 ; il en existe d’autres de Leipzig, 1516 ; Venise, 1522 ; Anvers, 1528 ; Paris, 1545. Le texte de ces diverses éditions présente des différences qu’il serait fort inutile de discuter ; nous dirons seulement que le plus mauvais de tous les textes est celui de l’édition de Fabricius ; il n’a été revu sur aucun manuscrit ; il paraît avoir été formé un peu à la hâte, d’après la confrontation de deux ou trois des anciennes éditions, sans que rien indique celles que l’éditeur a eues sous les yeux. Birch et Schmid ont donné, sans rien y changer, le texte de Fabricius, Jones a fait usage de celui que présente le recueil de Grynoeus (Monumenta S. S. Patrum, 1569), en y introduisant quelques corrections. Il n’est plus permis dorénavant de citer un autre texte que celui de l’édition de Thilo. Les diverses nations de l’Europe s’empressèrent de s’approprier un ouvrage qui répondait si bien aux croyances de l’époque. Les versions de l’Évangile de Nicodème se multiplièrent rapidement et c’est un fait qu’il ne sera pas permis de négliger lorsque l’on voudra écrire l’histoire de la traduction au moyen-âge, travail curieux et bien propre à faire connaître le mouvement intellectuel dit monde civilité pendant quatre siècles. Cette légende paraît surtout avoir joui d’une grande faveur en Angleterre ; de nombreuses traductions restées manuscrites, sont répandues dans les bibliothèques des Trois-Royaumes ; l’hérésiarque Wiclef fut du nombre de ces translateurs. En 1767, une ancienne traduction anglaise parut à Londres, chez Joseph Wilsond qui rajeunit l’orthographe, mais qui ne s’expliqua point sur l’origine de la légende qu’il publiait. « Il arriva dans la dix-neuvième année du règne de Tibère César, empereur de Rome, et sous le règne d’Hérode qui était roi de Galilée, la quatrième année du fils de Velom qui était conseiller de Rome comme Olympias l’avait été deux cent deux ans auparavant, Alors Joseph et Anne étaient élevés eu seigneurie au-dessus des juges, des magistrats, des mages et de tous les Juifs. Nicodème, qui était un digne prince » écrivit cette histoire en hébreu, et Théodose, l’empereur, la fit traduire de l’hébreu en latin, et l’évêque Turpin la traduisit du latin eu français, et s’ensuit cette bienheureuse histoire, appelée l’Évangile de Nicodème. »
Dans aucun des manuscrits latins «il n’est à ce que nous voyons fait mention de Turpin, devenu si fameux au moyen-âge, comme le fidèle compagnon de Charlemagne et comme son historiographe. Dans un recueil d’ouvrages anglo-saxons que Ed. Thwaites mit au jour à Oxford en 1698, l’on trouve une version de l’Évangile de Nicodème, faite sur un texte latin tel que le présentent, avec peu de différences, tant de manuscrits.
Une traduction française d’une portion de cette légende, se rencontre dans un roman de chevalerie, où l’on n’irait pas la chercher, dans l’Histoire du roi Perceforest, publiée à Paris, en 1528. Le prêtre Nataël qui a eu pour maître Joseph d’Arimathie et qui accompagne le roi Arfaran, lit devant une réunion choisie où se distinguent plusieurs têtes couronnées. On n’a trouvé encore aucune traduction complète de l’Évangile de Nicodème dans quelques-unes des langues de l’Orient, mais la trace des récits qu’il renferme se rencontre dans divers auteurs syriens ou coptes ; Assemani dans sa Bibliotheca Orientalis, (Rome, 1719-28, 4 vol. fº) et Zoëga dans un ouvrage, en ont fait mention ; des légendes puisées à la même source se montrent aussi dans divers manuscrits arméniens et arabes de la bibliothèque nationale et de celle du Vatican.
Dans l’antiquité, d’autres écrits apocryphes tels les Actes de saint André et de saint Paul, ont été inspirés par ce livre. Quelques passages sont même une simple réécriture de l’évangile de Nicodème.
Alors maintenant résumons l’histoire
Celle-ci est divisée en trois parties :
Dans un premier temps, il s’agît du procès devant Pilate. Le clergé du temple de Jérusalem composé essentiellement de Anne et Caïphe se rend devant le procurateur romain. Ils veulent traduire un certain Jésus dit le Galiléen en justice car il est accusé d’avoir guéri des malades durant de Shabbat et surtout il est accusé de sorcellerie. Les prêtres prétendent qui’ il se sert du démon béélzeboub afin de réaliser ses miracles. Ponce Pilate est réticent à faire juger cet homme car il ne voit pas en quoi ce qu’il fait est condamnable. S’engage ensuite un débat entre les témoins favorables à Jésus et ceux que les prêtres font venir et qui l’accablent. Les témoins favorables au Galiléen sont d’ailleurs traités de prosélytes. Il faut savoir en effet que les galiléens avaient été convertis sous le règne du roi asmonéen, Alexandre Jannée, c’est à dire un siècle et demi avant le début de l’ère chrétienne. Les premiers chrétiens étaient d’ailleurs traités de Galiléens. On ne connait pas les origines de ce peuple mais les Judéens les considéraient comme des étrangers et envahisseurs. Leurs témoignages seraient donc battus en brèche parce qu’ils sont des juifs de fraîche date.
Intervient ensuite l’épouse de Ponce Pilate qui raconte avoir fait un rêve dans lequel Dieu lui disait que Jésus était l’envoyé tant attendu par les juifs. Devant l’insistance du clergé, le Procurateur fait convoquer Jésus. Contrairement au reste des écrits, il n’est pas arrêté mais convié à venir s’expliquer. Les romains le traitent d’ailleurs en roi. Ils étendent un mouchoir devant lui. Des miracles sont attestés, les emblèmes de la Rome impériale se courbent devant lui en signe de respect. Des témoins viennent prendre la défense de l’accusé. L’on découvre certains personnages connus et d’autres qui le sont moins. Ainsi il y la paralytique qui a été guéri, il y a Lazare mais il y a aussi la femme qui était atteinte d’épanchements sanguins. On apprend même son nom. On apprend qu’elle s’appelle Véronique ce qui signifie « celle qui porte la victoire » en grec.
Tous portent des témoignages favorables. Un grand prêtre du nom de Nicodème prend même sa défense et s’oppose aux autres membres du clergé. Nicodème est peut être un des rédacteurs du Talmud le fameux Nicodème Ben Gorion. C’est lui qui donne son nom à l’œuvre présentée ici.
La seconde partie de l’œuvre concerne la crucifixion, Jésus se retrouve sur la croix avec deux compagnons d’infortune qui sont deux brigands. Dans cet ouvrage, leur nom est donné. Il s’agit de Dismas et Gestas. Les noms varieront selon les écrits
Puis vient la mort et la mise au tombeau. C’est à ce moment qu’intervient un personnage que le Moyen-Âge vénérait : Joseph d’Arimathie. Ce dernier fait enterrer jésus ainsi que les deux brigands. D’après d’autres sources, c’est lui qui aurait recueilli le sang de Jésus dans une coupe appelée à devenir le Graal. Cette histoire a influencé toute la littérature médiévale. C’est à ce moment que la littérature change de celle que nous connaissons dans nos traditions occidentales. Les témoins de la résurrection ne sont pas les femmes : Marie-Madelaine et Marie La Majeure, mais les fils de Simon et surtout toujours ce personnage emblématique; Joseph d’Arimathie. C’est lui qui porte témoignage de la survivance du Messie. Il y aussi les trois fils de Simon le prêtre, Phinée Addas et Aggé. Ils sont connus pour la première fois car ils ne sont nommés nulle part ailleurs. Ainsi, c’est à lui et à ses fils que les prêtres font appel afin de porter témoignage. Comme il est membre de la caste sacerdotale, ils finissent par le croire et contrairement à ce qui est écrit dans les évangiles reconnus, ils finissent par admettre leur erreur et à se convertir à la nouvelle religion. On le voit ici, ce livre s’adresse à des juifs et les incite à se convertir à la nouvelle religion. Il y a une volonté de convertir les juifs au christianisme.
Enfin la troisième partie concerne le voyage de Jésus aux enfers. C’est de très loin la partie la plus intéressante. Elle commence au chapitre 18. Ce n’est pas le fruit du hasard, le 18 symbolise la vie en hébreu et il y a 18 bénédictions dans le judaïsme. C’est donc aux pratiquants de la religion juive que ce livre s’adresse.
Jésus après sa mise au tombeau descend dans les enfers ainsi que les deux larrons. Et cette visite comporte des passages passionnants. Ainsi il y a un long tunnel éclairé par une immense lumière de chaleur. Celle-ci est aussi de couleur pourpre. C’est la couleur de l’amour mais aussi de l’esprit symbolisé par le vin dans de nombreuses traditions. Adam, le premier homme, vient à leur rencontre. Il est suivi par tous les prophètes de l’ancien testament. Une phrase doit retenir l’attention : « Cette lumière, c’est l’auteur de la lumière éternelle qui nous a promis de nous transmettre une lumière qui n’aura pas de terme. » On peut faire une relation avec les phénomènes récents de NDE Near Death Expérience. Les gens qui ont connu une expérience de mort imminente disent tous avoir vu une grande lumière au bout d’un tunnel et cette lumière était l’amour.
Il y a aussi Esaï le prophète qui parle aux deux larrons. Ces derniers le confondent avec Jésus et la comparaison est intéressante. Esaï est celui qui a prophétisé la venue du Messie. Il est suivi de Jean le Baptiste. Il y a le roi David et Seth le fils d’Adam et Ève. On y apprend qu’il est descendu en enfer pour aller chercher de l’huile auprès de l’arbre de la miséricorde pour guérir le corps de son père. L’enfer est lui-même personnifié. Dans les anciennes enluminures médiévales, il est représenté comme un monstre marin engloutissant les âmes des défunts. Il est représenté comme la baleine de Jonas dans l’ancien testament. Ce qui est surprenant dans cette troisième partie, c’est que l’enfer s’anthropomorphise. Il devient un être vivant doué de parole. Ainsi il adresse la parole à Satan et lui demande qui est celui qui doit venir ? Satan lui répond en lui disant qu’il a peur car il n’a rien pu faire contre ce Jésus qui doit arriver prochainement et libérer les enfers. Satan lui explique qu’il a rendu des gens malades, paralytiques et qu’il les a parfois tué mais que ce Jésus les a toujours sauvé (d’ailleurs Jésus en hébreu ne veut-il pas dire SAUVEUR ? «
Enfin Jésus Arrive dans les enfers dont il force les portes ; il casse tout devant l’entrée et libère ainsi les âmes infortunées qui s’y trouvaient prisonnières depuis longtemps pour certaines d’entre elles.
Une fois sa tâche de libérateur accompli, il repart vers le monde humain accompagné du bon larron, des prophètes de l’ancien testament et de toutes les âmes déchues. Après leur défaite, le dialogue entre Satan et l’Enfer reprend. Ce dernier fait des remontrances au prince des ténèbres. Il ne comprend pas pourquoi il a fait crucifier ce Jésus qui, en arrivant dans le monde des morts, ne lui a finalement créé que des ennuis. Au passage une phrase a attiré mon attention. Le diable explique à l’enfer qu’il avait fait assassiner ce Jésus le Galiléen par le peuple qui lui était intégralement dévoué, c’est à dire le peuple Juif. Selon moi, cette phrase n’a pu être écrite par un juif converti au christianisme. L’auteur de ce livre s’est probablement trahi en écrivant cette phrase. Ainsi il s’agit plutôt d’un grec qui voulait convertir les juif au christianisme naissant mais qui était marqué par de nombreux préjugés issus de l’ancien paganisme. Finalement, après sa défaite, Satan est condamné par le ciel à rester en enfer d’où il ne peut plus s’en aller. Il devient le nouveau pensionnaire de ce lieu infernal.
Le livre se termine par une rencontre au sommet entre Jésus et tous les prophètes de l’Ancien testament qui le remercient pour son action efficace. Le premier à louer son action est Adam, lui-même qui, en effet, était retenu en enfer depuis longtemps ! Les autres prophètes suivent et font de même. Le roi David se met à chanter ses propres psaumes, afin de le remercier et afin surtout de prouver que celui que les juifs attendaient est bien le jésus, messie des chrétiens. Il y a aussi une intervention d’Habacuq, prophète de l’Ancien testament, ainsi que de Michée. S’en suit une rencontre avec Hénoch et Elie qui ont, pour particularité, d’avoir été élevés au ciel sans passer par la mort. Ainsi l’auteur veut marquer ici une continuité entre le judaïsme et le christianisme naissant. On pourrait presque parler de judéo-Christianisme. Cependant il y tout de même cette volonté de rompre avec le Judaïsme sacerdotal afin de convertir le lecteur à la nouvelle religion. Les deux larrons prennent enfin la parole pour apporter leur conclusion positive à cette histoire.
L’histoire se conclue par la publication d’un pseudo-rapport, soit disant rédigé par Ponce-Pilate et adressé à l’empereur Claude et relatant l’histoire telle quelle se serait déroulée. Il y a tout de même une petite erreur. Ponce Pilate a été procurateur sous l’empereur Tibère et non sous l’empereur Claude qui était son successeur. Ce passage aura sans doute été ajouté quelques siècles.
Ainsi l’auteur de cette histoire a vécu bien après la période dont il parle et n’avait qu’une brève connaissance de l’histoire, ce qui laisse à penser qu’il était probablement un grec vivant en orient ou bien en Afrique du Nord. D’autant qu’il se prétend juif à son origine mais que les rites de la religion juive sont totalement absents de cette histoire qui relève plus de la fantasmagorie et du plagiat que d’une volonté de créer une œuvre littéraire originale et novatrice.
Pourquoi parler de cette ouvre ?
C’est une œuvre peu connu des occidentaux. Et bien qu’étant d’une absolue naïveté, elle a influencé les plus grands écrivains du Moyen-Âge. Ainsi on lui doit les plus belles pages de la littérature médiévale. Cette influence s’étend jusqu’à nos jours. Ainsi les films de sciences fictions s’en inspirent parfois et il a aussi influencé un des épisodes de la série du célèbre archéologue américain : Indiana Jones.
J’espère que la présentation de cet ouvrage vous aura permis d’apprendre des données nouvelles sur le monde du Gnosticisme dont nous commençons, seulement, à refaire le puzzle qui avait été soufflé par le vent de l’histoire.
SW.